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Ce que l’on pensait du Bitcoin le 8 décembre 2017
Irrationnel
Le bitcoin, un système de paiement internet déjà au centre des attentions depuis le début de l’année, emprunte une trajectoire exponentielle et affole les marchés depuis quelques séances.
$900 US en début d’année, 2500 fin juin puis 5000 début octobre. $10000 US fin Novembre. $16000 US à l’heure où j’écris ces lignes. J’ignore où nous en serons quand vous les lirez.
Si l’accélération des dernières semaines fut largement alimentée par l’annonce fin octobre du lancement de contrats futures sur le bitcoin par le Chicago Mercantile Exchange (CME), ces mouvements ne s’appuient hélas sur rien d’autre que pure spéculation.
De façon générale, le cours de l’action d’une société, par exemple, est corrélé à sa santé économique et à ses perspectives de croissance. De la même façon, la valeur d’une devise dépend largement des indicateurs économiques de son pays ou de sa zone économique. Bref, derrière la valorisation d’un actif, on trouve des fondamentaux.
Sans s’égarer dans des détails techniques, rien de tangible n’accompagne la crypto, qui n’a finalement rien d’une monnaie. Bien qu’il ait le mérite de démontrer l’attrait du public pour des solutions de paiement plus modernes, auxquelles les Etats réfléchissent déjà, le bitcoin n’est régulé par aucune institution et n’a d’ailleurs pas de cours légal. Sa valeur sur les plateformes d’échange spécialisées ne progresse donc que par la seule idée qu’il vaudra plus cher le jour d’après, avec les excès que cela implique en terme de volatilité.
Les grandes banques centrales elles-mêmes, garantes d’une certaine stabilité des prix, essentielle au bon déroulement des échanges commerciaux, ont parfois du mal à contenir les mouvements de leur devise.
C’est pourquoi, à l’exception de Goldman Sachs qui semble réfléchir à la meilleure façon de tirer profit d’un tel phénomène, la défiance des institutions et personnalités du monde financier se précise.
Tandis que Jamie Dimon, patron de JP Morgan, avait déjà parlé d’«escroquerie», Howard Davies, le président du groupe bancaire britannique RBS, compare le bitcoin à l’Enfer de Dante tandis que les très respectés prix Nobel d’économie Jospeh Stiglitz et Jean Tirole évoquent une « bulle spéculative susceptible d’imploser ».
Du côté des brokers en ligne, qui avaient imaginé en lui le nouvel eldorado en matière de market making, des CFD sont indexés sur le prix du Bitcoin, le courtier assurant la contrepartie de ses clients. Pourtant plusieurs d’entre eux font désormais marche arrière et ont interrompu cette semaine l’accès à ces produits, visiblement dépassés par les conséquences d’une telle volatilité sur leur gestion du risque.
Enfin, des commerçants du web, comme la plateforme de jeux Steam, ont également annoncé ne plus vouloir du bitcoin, « trop cher et trop volatil ».
Contrairement aux idées largement répandues, l’argent facile n’existe pas sur les marchés financiers et les rallyes irrationnels ont toujours droit à leur retour de bâton. Comme dans les pyramides de Ponzi, les derniers arrivés paient l’addition. Un coup d’œil au graphique du Nasdaq, l’indice boursier des valeurs internet, victime de l’explosion de la bulle du .com il y a 17 ans, nous en donne une magnifique illustration.
Alors que les premiers contrats à terme sur le bitcoin s’échangeront sur les bourses de Chicago dans les jours qui viennent, de nombreux spéculateurs pourraient être tentés d’allumer la première mèche en encaissant leurs bénéfices à l’approche des fêtes de fin d’année. Pénalisé par des volumes traditionnellement faméliques pendant la trêve des confiseurs, le bitcoin pourrait alors significativement corriger, pour finalement retourner d’où il vient en moins de temps qu’il ne lui en a fallu pour en arriver là.
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Ce que l’on pensait de la paire EUR/CHF le 9 janvier 2015
Alors que son appréciation, particulièrement manifeste en temps de crise, est contrôlée par la Banque Nationale Suisse depuis Août 2011 par l’intermédiaire d’un seuil plancher affectant le cours EUR/CHF, le Franc Suisse réplique ainsi quasi-parfaitement les mouvements de la monnaie unique, rendant obsolète l’analyse de son comportement intrinsèque.
La banque centrale défendant avec vigueur le seuil de 1.20 CHF, duquel les cours peinent pourtant à s’éloigner durablement depuis 3 ans et demi, les courtiers en ligne avides de commissions ou spécialistes en écartement de spreads ou encore les analystes en mal de stratégie, parfois à la solde de ces mêmes market makers, s’engouffrent dans la brèche pour vous conseiller de passer long à proximité de ce niveau qu’ils qualifient d’infranchissable, comme le Titanic était insubmersible en son temps.
Engager de telles positions n’est pas une sinécure.
D’abord ces sociétés de courtage vous facturent chaque jour des commissions liées au swap, lesquelles auront pour effet d’affecter progressivement votre capital, en particulier dans le cas de l’utilisation d’un effet de levier qu’on vous encourage, au moins implicitement, à utiliser.
Aussi faut-il rappeler que le Forex est un marché non centralisé où chaque intervenant peut coter n’importe quel prix en toute légalité, ce qui autorise votre intermédiaire à écarter brièvement le spread de façon à ce que le bid franchisse ponctuellement 1.20, le temps de déclencher vos stops de protection trop serrés.
Plus dangereux encore, rien n’indique que la BNS ait le potentiel d’assumer une attaque institutionnelle concertée, favorisée par la chute actuelle de l’Euro et les arbitrages incessants au profit d’une devise jugée plus solide. Pour rappel, la monnaie unique a progressé de 1.20 à 1.40 USD entre l’été 2012 et le printemps 2013 sans pouvoir dépasser 1.25 CHF plus de trois séances d’affilée. Le risque d’une rupture du plancher est réel et celle-ci constituerait même paradoxalement une opportunité pour la BNS de rehausser son seuil de référence. Une fois les innombrables stops loss et appels de marge déclenchés, la voie serait infiniment plus dégagée pour aller plus haut, là où les carnets sont actuellement emplis d’ordres de vente, barrant la route à une nouvelle intervention de l’institut d’émission.
Enfin, et c’est bien ici l’intérêt de ce qui précède, si ce scénario, certes peu probable mais néanmoins crédible, se réalisait, l’extrême minorité d’acheteurs sous 1.20 produirait un slippage massif sur les stops, élément aux conséquences dévastatrices pour les investisseurs qui aurait massivement emprunté de l’argent à leur broker pour acheter le seuil plancher.
En résumé, nous déconseillons formellement d’acheter 1.20 CHF et toute position longue potentielle, suffisamment éloignée de ce niveau, doit absolument être protégée par un stop situé au-dessus de celui-ci, là où une contrepartie existe encore. En cas de vente précédant une rupture du plancher, seuls des algorithmes préalablement programmés auraient la capacité d’être suffisamment rapides pour protéger et encaisser les gains par palier, lesquels ne pourront se matérialiser que sur des spreads interbancaires non manipulés.